Elysa Leyburn… Jewel déposait le téléphone après le coup de fille de la jeune femme. Bien sûr, qu’elle avait une place libre. Toujours pour les patients de Vita Futura. D’autant que la jeune femme semblait angoissée. Des cauchemars se disaient Jewel. Désagréable certes, mais tant que cela restait que des cauchemars, ce n’était pas grave. Par contre si elle se rendait compte que ces cauchemars étaient des vieux souvenirs… Là il y aurait un problème. Mais pour l’instant rien n’indiquait que le sujet se réalisait que c’était son passé. Des cauchemars, son subconscience qui lui joue des tours. Et c’était ce que Jewel allait continuer à faire croire à la jeune femme, l’apaiser, lui prescrire quelques somnifères et le tour était joué. Malhonnête ? Non, c’était tout bonnement la meilleure solution pour la jeune femme. Car si elle savait la vérité, il allait de soi qu’elle aurait beaucoup du mal à accepter le fait que sous l’effet de la drogue elle a tué plusieurs personnes dont ces parents. Non si elle se réalisait ça, elle risquait vraiment de devenir un patient digne pour un centre psychiatrique. Et ça mieux fallait à tout prix éviter. Car après tout, quelque part, elle avait été sous l’effluence de la drogue, dans d’autres circonstances elle n’aurait pas fait du mal à quelqu’un. Oui, Jewel était persuadé que sans la drogue et les souvenirs de son passé, Elysa pouvait être quelqu’un de bien.

Un patient sortait et Jewel rangeait quelques dossiers avant d’aller dans la salle d’attente. Parce qu’elle exerçait uniquement pour les patients du projet Vita Futura, elle avait décidé de faire son bureau chez elle. Plus pratique, car elle n’habitait pas loin de la ville et le fait d’être dans la maison de quelqu’un et non dans un simple bureau d’un psy, donne l’impression de se sentir plus vite à son aise et les patients font plus vite se confier.

« Elysa ? »

Jewel lui fit signe par un coup de tête qu’elle pouvait la suivre. Mais au lieu d’aller à son bureau, Jewel se dirigeait vers son salon, elle invitait Elysa à s’asseoir, avant de s’approcher du bar et de servir deux verres d’eau. Un pour elle, l’autre elle le tendit à Elysa.

« Tu m’avais l’air affolée au téléphone ? Qu’est-ce qui ne va pas ? »

Elle ne patientait pas depuis longtemps quand le Dr finit par sortir de son bureau, raccompagnant un patient.
"Elysa?"
Après l'avoir interpellée, elle lui fit signe de la tête de la suivre, mais contrairement à ce à quoi Elysa s'était attendue, elle ne la guida pas vers son bureau mais vers sa maison, enfin, le côté maison de sa maison (qui abritait aussi son bureau). Elysa la suivit, un peu déroutée et stressée. Sur invitation de son psy, elle prit place sur le canapé du salon, tandis que celle-ci se dirigeait vers le bar. C'était une jolie maison. Elle quitta son observation du salon quand elle entendit son médecin revenir, avec deux verres d'eau. Elysa prit celui qu'elle lui présentait et but une gorgée.
"Tu m'avais l'air affolé au téléphone? Qu'est-ce qui ne va pas?"
Elysa inspira uis se lança dans le récit de son cauchemar.

"J'ai encore fait un cauchemar... J'étais recroquevillée dans une ruelle, un homme s'est approché et a tendu les bras vers moi, je l'ai frappé et suis partie en courant. Je l'avais déjà fait mais... il m'a fallu plus de temps que d'habitude pour m'en remettre quand je me suis réveillée en sursaut. J'avais l'impression d'avoir faim, d'avoir la nausée... Comme dans mon rêve. J'ai finalement réussi à revenir à la réalité mais... "

Elle se tut quelques instants avant de reprendre.

"Ces cauchemars sont de plus en plus précis, de plus en plus marquants... Ils me font peur. D'habitude, on dit qu'il faut parler de ses cauchemars pour ne plus les faire mais j'ai beau en parler, ils reviennent sans arrêt."

Au fond, elle se dit que ce n'était pas juste. Etait-elle la seule dans ce cas ou cette théorie était-elle une vaste blague? Elle ne voulait plus les faire. Elle ne voulait faire que des rêves normaux, heureux.

"En plus, j'ai l'impression de faire ces cauchemars de plus en plus souvent..."
Elle le faisait de manière espacée au début. Un par mois, et encore. Mais maintenant, c'était un par semaine, minimum. Elle était de plus en plus fatiguée à cause de cela. Or, elle avait besoin de bien dormir pour ses études.

"Je voudrais juste ne plus les faire... Ils sont tellement horribles."

Dire que ces choses horribles dont elle rêvait, elle les avait faites.

Jewel observait la jeune femme. Bien sûr elle savait ce que les cauchemars signifiaient, mais pas un cheveu sur sa tête qui pensait à révéler la vérité à sa patiente. Ça serait bien trop terrible. Maintenant qu’elle pouvait vivre une vie normale, sans drogue, sans avoir des meurtres sur sa conscience, elle était jeune et avait encore toute une vie devant elle, mieux fallait ne pas lui dire la vérité. D’autant plus que même si elle voudrait, elle ne pouvait pas. Vita Futura ne peut pas se permettre que les gens se réalisent qu’on peut effacer les mémoires et mettre des nouveaux souvenirs dans leur tête, ça risquait de mener certains à une émeute. La jeune femme semblait se lancer, et Jewel l’écoutait, se demandant sur quel jambe elle allait aujourd’hui devoir danser. Jewel se demandait en même temps si Elysa était la seule personne avec des souvenirs qui reviennent la hanter ou pas ? Probablement pas, mais c’était la seule qui venait se confié à elle. Il faudrait d’ailleurs qu’elle en parle avec ces collègues. Car il semble que le subconscience est un peu plus fort qu’ils l’auraient cru. Lorsqu’Elysa eut finit, le médecin déposait son verre d’eau sur la table base du salon, croisant ses jambes, elle finit par dire.

« Je comprends. La vie est déjà assez dure et fatiguant pour que des cauchemars viennent nous réveiller en pleine nuit. »

Oui, pour le bien de tous, mieux fallait arrêter ces cauchemars. Car Jewel fit la remarque que les cauchemars d’Elysa revenaient de plus en vite. Mois après mois, aujourd’hui c’était déjà semaine par semaine. Et c’était pas bon signe, mais comment est-ce qu’on arrête des cauchemars ?

« Est-ce qu’il y a quelque chose dans ta vie qui a changé, récemment ? Un petit copain ? Un nouveau travail de bénévolat ? Une nouvelle connaissance ? Un animal de compagnie ? »

Fallait bien que Jewel trouve une explication aux cauchemars d’Elysa. En d’autre termes un mensonge, car bien sûr elle savait parfaitement d’où venait ces cauchemars. Et c’était parti pour un coup de mensonge.

« Je pense que ton cerveau t’envoie à chaque fois la même image, rêve, pour te dire que t’es sur travaillé. Je pense que tu te donnes un peu trop dans tes études et dans ton travail de bénévolat et que tu te fatigues un peu de trop mentalement. Et que c’est par cette image que ton corps essaie de te le dire. »

Jewel réfléchissait un court instant. Oui, ce qu’elle venait de dire sonnait convainquant. Et puis cela pouvait également expliquer la raison pourquoi la subconscience de la jeune femme n’arrête pas de s’introduire dans son esprit. Peut-être que mentalement elle était fatigué à cause de réfléchir à pleines de choses et que la barrière des nouveaux souvenirs s’étaient un peu effondré, laissant place aux anciens de venir la hanter dans ses rêves ? Oui, c’était une possibilité. Et si c’était le cas, cela voulait dire qu’avec un peu de repos mental, Elysa pouvait repousser ses cauchemars et continuer de vivre dans l’innocence. Si c’était bien sur la vraie cause….

« Je veux bien te prescrire quelques somnifères, mais t’es bien conscient que je ne peux pas faire ça à chaque fois que tu as des cauchemars. »

Comment combattre des cauchemars d’une vie réelle ? Jewel se disait intérieurement qu’il fallait vraiment qu’elle aborde ce problème au sein du groupe scientifique de Vita Futura, afin de trouver une solution bénéfique pour les patients. Car apparemment il y avait un élément qui avait dû leur échapper vu que cela venait quand même hanter les patients. Elysa lui parlait d’adopter un chien ? C’est vrai que tout cela pouvait venir d’un surmenage, mais d’un autre côté, si elle s’investirait un peu moins dans le boulot et plus dans le plaisir, peut-être que cela ferait disparaître un peu les cauchemars ? Qui sait, l’être humain est parfois si difficile à comprendre, surtout que cela changeait toujours d’un cas à l’autre. Mais finalement peut-être que d’adopter un chien n’était pas si mauvais, cela obligerait Elysa de mettre ses idées un peu plus sur le chien, de trouver un certain plaisir à jouer avec ce chien et ne pas tout le temps plonger son esprit dans les cours. Mouais… A condition que le problème venait de là. Car Jewel avait beau prétendre que les problèmes venaient de là, elle n’y croyait pas une seule seconde. Bien sûr elle n’aviserait pas une seule minute de dire ça.

« Je pense que ce n’est pas une mauvaise idée d’en adopter un. C’est bien sûr un travail en plus, mais c’est aussi une très bonne distraction. Peut-être juste ce qu’il te faut ? »

Par la suite les deux femmes se mirent à parler des somnifères. Oui, bien sûr que cela pouvait l’aider à retrouver un sommeil paisible, mais c’était un remède à courte durée et pas à long terme. Jewel écoutait la question d’Elysa. Se relevant pour aller chercher son note bloc de prescriptions, elle répondit tout en lui faisant sa prescription.

« Oui, mais il faut quand même que tu fasses attention avec la dose que tu prends si il est déjà très tard. Je dirais de prendre qu’une moitié au lieu d’un entier. Mais je te conseille de te coucher tôt ce soir et d’en prendre un entier. Cela va aider à ton corps de récupérer et tu ne devrais pas être tourmenté par des cauchemars. Dis-moi, est-ce que c’est uniquement la nuit que tu as des cauchemars ? Tu n’as pas d’hallucinations en journée ? »

Simple question de précaution. Normalement Elysa lui en aurait parlé si tel était le cas, mais on ne sait jamais. Elle signait la feuille avant de le tendre à Elysa et de reprendre son verre en main pour boire une petite gorgée. Reposant le verre, Jewel tournait son regard vers la jeune femme, assise près d’elle.

« Est-ce qu’il y a encore quelque chose dont tu aimerais me parler ? Après tout, maintenant qu’on est là, autant en profiter non ? »

En premier lieu, elle était venue pour ses cauchemars, mais peut-être qu’il y avait des autres sujets dont elle sentait le besoin de parler, ou pas, après tout à elle de voir.

Ouf, elle pourrait adopter un chien! Elle n'aimait pas les savoir seuls, abandonnés, dans des cages, en attendant que quelqu'un daigne enfin les adopter, ou alors attendre jusqu'à ce qu'on les endorme. Ca la révoltait, lui donnait envie de pleurer à chaque fois qu'elle y pensait. Elle pourrait en sauver un, pour commencer un serait bien assez. Pour commencer.

Elle écouta la suite du discours de sa psy avec attention. Oui, elle ferait attention et elle acquiesça aux conseils qui lui furent donnés. Elle dormirait bien cette nuit. Ca lui ferait le plus grand bien. En espérant que ça marche. Parce qu'elle avait envie d'une bonne et longue nuit bien reposante. Entre les cours, les préparations et les activités extra-scolaires, elle n'avait que très rarement des nuits de huit heures. Mais cette nuit, elle dormirait bien, et d'une traite, du moins elle l'espérait fortement.
A ce stade du discours, elle en devenait plus rassurée. Oui, elle n'était pas folle, c'étaient juste des cauchemars, signes de fatigue.
Hallucinations? Elle ouvrit des yeux en forme de soucoupe, non, elle n'avait jamais eu d'hallucinations. Du moins...
"Pas que je sache..." répondit-elle, perplexe. Elle espérait du moins qu'elle s'en serait rendue compte si tel avait été le cas.

"Est-ce qu'il y a encore quelque chose dont tu aimerais me parler?"
Hm. Bonne question. Non, il n'y avait vraiment que ce petit problème. A côté de ça, sa vie était parfaite. S'il n'y avait pas ça... Et le doute recommença à s'insinuer en elle.

"Je sais que vous pensez que c'est la fatigue mais... ce n'est pas ... Enfin, la fatigue n'agit pas comme un révélateur de la nature profonde, hein?! Ce n'est pas comme l'alcool qui libère les gens, révèle leur nature profonde, n'est-ce pas?!... Je ne suis pas foncièrement folle...?!"

Elle l'avait dit. Elle avait peur d'être folle.

"Je ne suis pas mauvaise...?! Parce que dans tous mes cauchemars je vois des meurtres ou d'autres horribles choses alors...."


Surtout que c'étaient toujours les mêmes cauchemars qu'elle faisait, pourquoi??

Pas toutes les vérités sont toujours bonnes à savoir. Ainsi lorsqu’Elysa se prononçait sur ces peurs intérieures, Jewel ne comptait pas dire la vérité. Puis de toute manière, pour elle, cette jeune femme n’était pas folle. Si dans le passé elle avait été digne d’être enfermé, c’était à cause de son addiction et ce que la drogue l’avait poussé à faire, les hallucinations qui accompagnaient certaines drogues fortes. Mais cela ne voulait pas pour autant dire que la jeune femme était une mauvaise personne. Certes, elle avait fait des choses surement impardonnables, mais elle n’était plus cette personne. Jewel secouait la tête et prit les deux mains dans la jeune femme dans les siennes.

« Non, tu n’es pas folle, Elysa. Just un peu perturbé. Cela arrive à plein de gens de faire des cauchemars, et tu n’es surement pas la seule à faire toujours le même. Et cela ne veut en aucun cas dire que cela va se produire, ou que secrètement tu rêves de faire une telle chose. Ce ne sont que des cauchemars, il ne faut pas leur accorder plus d’importance qu’ils ont. »

Oui, ce n’était peut-être pas une mauvaise idée. Arrêter de porter de l’importance à ses cauchemars, certes loin d’être facile. Mais peut-être au fil du temps, les cauchemars font diminuer par eux-mêmes ? C’est possible… Encore là, l’être humain est tellement complexe.

« Si tu étais vraiment quelqu’un de mauvais, tu penses que tu te préoccuperais de la sorte des autres ? Ne laisse pas des rêves dire qui tu es, Elysa. Je sais que ce n’est pas facile, surtout quand ils te demandent ton temps de sommeil, mais essaie quand même de ne pas les laisser hanter ton esprit. Ils finiront bien par partir. »

Du moins, c’est ce qu’elle espérait. Car honnêtement elle n’en savait rien. Si elle avait menti la moitié de la séance, elle avait pourtant dit la vérité quand elle disait qu’Elysa n’était pas quelqu’un de mauvais. Peut-être que d’autres ne seraient pas d’accord avec elle, mais pour Jewel, elle n’était pas mauvaise, simplement tombé dans un mauvais environnement et en toucher avec des mauvais éléments. Aujourd’hui ce n’était plus le cas, et cela serait vraiment dommage de laisser le passé la rattraper. Oui, vraiment dommage. Mais Jewel n’était pas pour laver le cerveau de quelqu’un une deuxième fois, surtout pas pour des stupides cauchemars qui reviennent. Un lavage était assez, qui sait ce qu’un deuxième peut causer au cerveau humain ? Non, mieux fallait essayer de repousser ses souvenirs par la volonté du patient et puis à l’aide de quelques somnifères.